Champion d’EuroCup 2025, l’Hapoël Tel-Aviv va vivre sa première saison d’EuroLeague cette année. Mais les moyens affichés n’ont rien d’un petit poucet. Un président sans aucune limite, des ambitions hors-normes, un contexte particulier… Enquête sur le mystérieux rookie de cette saison.
L’année 2025 marque le début d’une nouvelle ère pour l’EuroLeague. L’arrivée du Dubaï BC, objet de tous les fantasmes et de toutes les craintes, vient repousser toutes les limites de la prestigieuse ligue européenne et fait rentrer cette dernière dans une autre dimension.
Mais dans l’ombre du club émirati, une autre institution du Moyen-Orient débarque dans l’élite continentale avec ambitions : l’Hapoël Tel-Aviv. Fort d’un titre autoritaire dans l’antichambre de la grande ligue, le club israélien a gagné sa place sur les terrains. A l’heure de faire son entrée en lice sur la grande scène, les moyens développés n’ont cependant rien d’un promu d’EuroCup. « Ils sont arrivés là pour une bonne raison : l’argent. Ils ont beaucoup d’argent », nous explique sans détour un journaliste israélien proche du club, qui préfère rester anonyme.
A lire sur le Dubaï BC, l’autre ambitieux rookie de l’EuroLeague : ITW Jerry Boutsiele : « Ils pourraient racheter l’EuroLeague et les clubs avec sans problème », le Dubaï BC raconté par le Frenchy
UN PRESIDENT QUE RIEN N’ARRÊTE
Le « rookie » d’EuroLeague affiche une puissance économique considérable, et ce, grâce à un homme : Ofer Yannay, richissime homme d’affaire israélien. Celui qui a pris la présidence du club en 2023, est le chef d’une grande entreprise spécialisée dans l’énergie solaire, Nofar Energy, et entretient ainsi de nombreux partenariats dans le domaine en Israël et en Europe. Il aurait même essayé de racheter l’entreprise Channel il y a quelques années, mais sans succès.

Avec le sport, vient pour lui l’opportunité d’étendre un peu plus encore son influence. « Il est devenu populaire grâce au basket. Avant, personne ne le connaissait », nous renseigne Arie Livnat, journaliste sportif pour le quotidien israélien Haaretz.
Depuis le rachat du club, sa fortune permet à l’Hapoël de repousser sans cesse les limites de son budget. « En plus d’avoir l’avantage d’être riche, Ofer Yanay est très dépensier, continue notre interlocuteur. Par exemple, le président du Maccabi (Shimon Mizrahi) est très riche aussi, plus riche encore même, mais il n’a pas un goût pour la dépense aussi prononcé qu’Ofer Yanay. Lui dépense énormément. »
De quoi dominer l’EuroCup la saison dernière dans un premier temps, avant d’arriver en EuroLeague dans la peau, déjà, d’un vrai prétendant aux phases finales.
23M D’EUROS DE MASSE SALARIALE
Le mercato du club a enflammé l’Europe et les réseaux sociaux cet été, avec des noms tous plus impressionnants les uns que les autres. Dix nouvelles recrues, pour une masse salariale totale de 23M d’euros (dont 5,6M pour le seul contrat de Micic !, un record pour la ligue), soit une somme comparable au Panathinaïkos et à l’Olympiakos la saison dernière. Rien que ça. Le nom de Russell Westbrook était même sorti un temps. Une fausse rumeur bien entendu, mais c’est dire la démesure des projets.
Pour une première saison en EuroLeague, le 5 majeur potentiel est d’exception : Vasilije Micic, Chris Jones, Elijah Bryant, Jonathan Motley, Dan Oturu. Et il y a du Madar, du Malcolm et du Caboclo sur le banc… « C’est l’un des effectifs les plus talentueux de la ligue, reprend notre source proche du club. Rien qu’à l’intérieur, ils ont Motley, Oturu et la recrue Odiase sur le poste 5 ; Caboclo et Tomer Ginat de l’équipe nationale sur le poste 4, … Ils ont la profondeur de banc nécessaire pour imposer une intensité folle sur les 40 minutes. »
« On vise le Final Four. Bien sûr, en tant que champion d’EuroCup, nous n’avons qu’une licence d’un an en EuroLeague, donc notre première mission sera de se maintenir. Mais notre objectif principal, c’est le Final Four. »
Guy palatin
arrière sous contrat jusqu’en 2028
Du talent oui, et de l’expérience EuroLeague surtout. Avec sur le banc pour guider tout ce beau monde, un double vainqueur de l’épreuve avec le CSKA Moscou en 2016 et 2019, Dimitris Itoudis. « Il est spécial, il est très professionnel, nous décrit Guy Palatin, l’un des hommes forts du titre en EuroCup la saison passée, que nous avons pu rencontrer à l’Euro à Katowice fin août. Être coaché par quelqu’un de ce niveau, c’est différent. On se sent chanceux d’être coaché par ce niveau d’expérience, vu les joueurs et coachs qu’il a connu avant. Très heureux d’être avec lui. »
Sur le papier, l’Hapoël Tel-Aviv fait forte impression. Les ambitions affichées par ce nouveau mastodonte financier de l’EuroLeague sont hors-norme. « On vise le Final Four, ne nous cache pas Guy Palatin. Bien sûr, en tant que champion d’EuroCup, nous n’avons qu’une licence d’un an en EuroLeague, donc notre première mission sera de se maintenir. Mais notre objectif principal, c’est le Final Four. »
UN COLOSSE AUX PIEDS D’ARGILE
Impressionnant. Mais derrière ces objectifs monumentaux, beaucoup d’incertitudes pourraient fragiliser les ambitions du nouveau venu en EuroLeague. « Le Final Four parait compliqué, nous témoigne Ok Shkey, journaliste sportif qui suit le club à l’année pour le site israélien Walla. C’est une nouvelle équipe, le club découvre l’EuroLeague. Sur le papier, l’équipe est impressionnante mais le basket ne se joue pas sur le papier. Il y a toute cette expérience de la ligue, ses rouages, son fonctionnement, son quotidien qu’il faut maîtriser aussi. » Avant de faire part de ses doutes sur certains noms : « Tyler Ennis, qui sort d’une grosse saison d’EuroCup, a beaucoup de problèmes de blessures. L’état de forme de Vasilije Micic pose question aussi. » Après un Euro catastrophique, il est vrai que l’homme au plus gros contrat de l’histoire de l’EuroLeague aura une certaine pression à assumer.

Mais le plus gros frein de l’Hapoël Tel-Aviv n’est pas là. Comme son rival le Maccabi, le club va vivre sa saison loin de ses bases en raison du conflit israélo-palestinien, et sera privé de son public. « Alors que leurs fans sont parmi les plus fous, les plus incroyables », nous affirme Ok Shkey. Plus que le Maccabi ? « C’est une folie différente », nous précise-t-on.
Cette saison, les Rouges évolueront principalement à l’Arena 8888 de Sofia, avec quelques matchs à l’Arena Botevgrad, aussi située dans la capitale bulgare. Avec cette délocalisation, vient aussi le risque de voir un effectif coupée en deux, entre les locaux qui rentrent en Israël le week-end pour jouer le championnat, et les étrangers qui ne jouent que la semaine en EuroLeague. Autant d’automatismes retardés. « Un problème d’autant plus important avec un effectif qui compte autant de recrues », termine notre confrère.
UNE PREMIERE SAISON DETERMINANTE
Pourtant, l’an I de cet Hapoël Tel-Aviv s’annonce décisif pour l’avenir du club, au risque de redescendre aussi vite qu’il n’est monté. « Si cette année, ils parviennent à se maintenir en EuroLeague et gagner leur place pour une deuxième saison grâce à leurs résultats (une qualification en playoffs), ils auront leur chance pour obtenir une licence pluri-annuelle. Mais il faut rester prudent, car on a vu par le passé d’autres clubs, aux moyens financiers importants, qui avaient l’ambition de rester en EuroLeague sur le long-terme : comme le Khimki Moscou, le Lokomotiv Kuban, Kazan. Mais ils sont tout de suite redescendus en EuroCup sans recevoir de licence », projette notre interlocuteur anonyme.
En cas d’échec en EuroLeague, l’Hapoël Tel-Aviv pourrait aussi exprimer ses ambitions démesurées dans une autre ligue, propice aux grands projets. « La NBA est attendu en Europe. Alors peut-être que l’Hapoël évoluera dans ce cadre un jour », laissait ainsi planer Ofer Yannay à la conférence annuel du Jerusalem Post à New-York en mai dernier.
En ce qui concerne cette première année, à défaut d’un Final Four ou d’une phase finale si la saison ne se déroule pas comme prévu, l’Hapoël pourra se concentrer sur un autre objectif, celui de devenir le meilleur club de Tel-Aviv. « Je crois en notre équipe et j’espère qu’on sera la meilleure équipe de cette ville », nous confie Palatin. De quoi annoncer un derby bouillant, bien que délocalisé lui-aussi. « Au vu de l’effectif : l’Hapoël doit être au-dessus du Maccabi, nous lâche Ok Shkey. Le Maccabi n’a plus un effectif de haut-niveau d’EuroLeague, mais ils en ont l’expérience. Je ne les vois pas être en bas de classement deux saisons de suite. Le Maccabi sait ce qu’est une saison aussi longue que celle d’EuroLeague, qui plus est à l’extérieur. »
Alors, Tel-Aviv virera-t-elle au rouge ou restera-t-elle jaune ?