Zoom sur Codi Miller-McIntyre : le facteur X de Vitoria

Chaque semaine, EuroLeague France se penche sur les acteurs silencieux de la grande ligue. L’occasion de mettre en lumière ces hommes qui évoluent dans l’ombre des grandes stars, mais qui ne sont pas moins essentiels à leurs équipes. Aujourd’hui, zoom sur Codi Miller-McIntyre, le facteur X de Baskonia.

UNE NUIT DANS L’HISTOIRE

Un alley-oop claqué par Chima Moneke fait toujours lever les foules, celui-ci un peu plus que d’habitude. Ce jeudi 8 février 2024, la Fernando Buesa Arena est debout pour applaudir son héros qui vient sous ses yeux de signer une 20^ème passes décisives en même temps qu’un record fou. Campazzo et Jovic sont rayés des tablettes tout comme un Calathès qui trouve quelques secondes plus tard son successeur dans la courte liste des triple-double validés en EuroLeague. Mais qui est ce héros que tout un peuple acclame et que l’histoire retiendra ? Codi Miller-McIntyre. Face à l’ASVEL, le meneur de Baskonia construit son monument à coup de 11 points, 11 rebonds et de ces 20 fameux caviars offerts à ses partenaires comme à son public en guise de spectacle. Il est seulement le troisième dans l’histoire de l’humanité à compiler une ligne de stats pareille sur un parquet d’EuroLeague. Le grand Moneke pointe du doigt son génie, la star Howard accourt pour féliciter son nouveau partenaire particulier.  Une soirée unique qui grave à jamais dans les mémoires le nom d’un homme qui vient pourtant de si loin…

LA RÉCOMPENSE EUROLEAGUE

              Si l’on revient quelques années en arrière, rien ne laissait penser qu’on retrouverait un jour CMM en EuroLeague à claquer des triple-doubles. Tout a commencé en 2012 chez les Demon Deacons de l’Université de Wake Forest. C’est là que le natif de Charlotte fait ses années de fac, très scolairement, comme tout américain de son âge rêvant de NBA. Quatre ans plus tard, Codi se retrouve automatiquement éligible à la draft, sans succès. Le meneur part donc s’exiler de l’autre côté de l’Atlantique pour démarrer tant bien que mal sa carrière professionnelle. Il aterrit en Belgique chez les Bears de Louvain. Là-bas, il domine mais impossible pour lui de se contenter d’un si petit terrain de jeu. Codi tente sa chance ailleurs et s’en va bourlinguer dans toute l’Europe en attendant son heure : Parme, St Petersbourg, Ljubjana, Belgrade, … il défile dans toutes les équipes d’EuroCup de l’époque mais jamais l’EuroLeague ne l’appelle. Entre temps, il est mis à l’essai par les Dallas Mavericks pour retrouver la NBA : mais pas de NBA au bout, que de la G-League. Il signe même une pige à la JL Bourg pour la finir la saison 2021-2022. Codi change mille fois de maillots, a mille raison d’abandonner, jusqu’à même subir la relégation de son club d’Andorre en 2^ème division espagnole. Mais CMM tient bon, et réalise ses coups d’éclat comme il peut sur les scènes successives que le destin lui offre. Puis il tente un dernier coup de poker en Turquie au club de Gaziantep : le bout du tunnel s’aperçoit. Notre joueur fait parler son talent d’organisateur et se régale toute la saison en EuroCup. Avec ses 13,4pts de moyenne, Codi Miller-McIntyre mène le Gaziantep jusqu’à la demi-finale de l’antichambre de l’EuroLeague. Après 7 ans de galère dans les bas-fonds européens, ses performances tapent enfin dans l’œil des recruteurs hors-pairs de Baskonia. Cette fois c’est bon l’EuroLeague lui ouvre ses portes. L’Américain pose ses valises dans le pays Basque, et sait que pour une fois il n’aura pas à les reprendre de sitôt.

LE ROOKIE QUI N’A RIEN D’UN ROOKIE

C’est donc à 29 ans que Codi Miller-McIntyre découvre la plus prestigieuse des compétitions européennes. Un âge qui lui fait fouler ces parquets dans la forme de sa vie. Car le moins que le puisse dire, c’est que le meneur sait rattrapper le temps perdu. Pour sa première année, il se montre déjà précieux pour son équipe avec 8pts de moyenne, mais c’est surtout par sa faculté à distribuer qu’il s’illustre. Codi fait ainsi le bonheur de ses partenaires 7,2 fois par match cette saison, un total qui fait tout simplement de lui le meilleur passeur de la ligue. C’est pas donné à tous les rookies de mettre dans le rétro les distributeurs automatiques Facundo Campazzo et Lorenzo Brown… Une adaptation si exemplaire, qu’aucun Baskonista n’est plus utilisé par Dusko Ivanovic que Codi Miller-McIntyre cette année. Avec plus de 30 minutes par match au compteur,  il est donc ce parfait complément de Markus Howard et Chima Moneke, le duo phare de Vitoria. Entre les coups de chaud de ces derniers, Codi apporte cette stabilité, cette solidité, mais aussi cette intelligence de jeu pour servir ces stars dans les meilleures conditions possibles. Un coéquipier modèle, un chef d’orchestre, et parfois même un sauveur. Car jusque-là, CMM n’a pas eu froid aux yeux lorsqu’il fallait endosser le rôle de clutch-guy de service. Le Pirée, Athènes, Belgrade, Munich : autant de villes où Codi ne passera pas de vacances, autant de victimes du CMM Patience dans le money-time cette saison. Mais malgré tous ces shoots énormes à la dernière seconde, c’est sans nul doute ce jeudi 8 février, par son triple-double, que Codi Miller-McIntyre a le plus marqué les esprits des fans basques. Esprits dans lesquels s’efface peut-être déjà le souvenir d’un certain Darius Thompson.