La légende Spanoulis en 7 travaux

Nov 13, 2023 - 16:32
Mar 25, 2024 - 19:00
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La légende Spanoulis en 7 travaux
crédits photo : Eurohoops

La légende raconte que Vassilis Spanoulis perdait un cheveu à chaque tir qu’il inscrivait dans le money-time. En septembre dernier, la calvitie la plus célèbre de la Grèce a vu son mythique numéro 7 retiré par le club de l’Olympiakos. Son maillot règne ainsi au sommet du Stade de l’Amitié et de la Paix comme lui-même a regné sur le basket européen pendant plus d’une décennie. Des quatre coins du pays hellénique, le Span a forgé sa légende à coup de titres et de shoots incroyables au fil des années, pour devenir aujourd’hui celui que beaucoup voient comme le plus grand joueur d’Euroleague de tous les temps. Portrait en 7 étapes marquantes.

 

I/ Le basket comme refuge

 

Alors qu’il n’a que 15 ans, la vie et la carrière du jeune Vassilis prennent une toute autre tournure à la suite d’un évènement tragique. Son père, Thanasis Spanoulis, meure d’un cancer et sa mère est alors seule pour s’occuper de son frère aîné, Dimitris, et lui. Abattu par cette disparition, l’adolescent s’investit alors d’autant plus sur les parquets et prend le basket pour un refuge. Plusieurs années après, la mère témoigne de la force de caractère du gamin :

 

‘’le lendemain de l’enterrement, il était à l’entraînement. Il injectait ses émotions dans le basket’’.

 

Ne montrant peu ses émotions à la maison, il transformait sa peine en rage et détermination dès lors qu’il prenait une balle dans ses mains. Sans père, le basket devenait à ce jour toute sa vie. Le basket pour se changer les idées, le basket pour se retrouver, le basket pour se relever. C’était là sûrement les bases de son mental imperturbable qui venaient d’être posées. Un facteur déterminant pour son impeccable sérénité qui allait faire toute la renommée de la carrière à suivre.

 

II/ De Larissa à l’Equipe nationale

 

Après quelques années à jouer dans sa ville natale Larissa, Spanoulis s’envole à l’âge de 19 ans pour poser ses valises remplies de potentiel à Maroussi, dans la banlieue nord d’Athènes. C’est là, dans ce modeste club du championnat grec qu’il fait ses débuts en pro et qu’il forge son charisme. Dès le départ, le leader qui sommeillait en lui se révèle et le jeune joueur porte son équipe tant sur le plan humain que sportif, tant sur les aspects mental que technique. La progression est à la hauteur des attentes et le premiers cartons offensifs font leur apparation. Avec plus de 15pts de moyenne, le Span emmène même son équipe jusqu’en finale du championnat en 2005, face au géant Panathinaïkos. Il n’en fallait pas plus pour taper dans l’œil du sélectionneur grecque Panayotis Yannakis, car c’est bien avec la sélection hellénique que le numéro 7 se fera connaître aux yeux du public européen. D’abord champion d’Europe en 2005 après avoir éliminé la France en demi (on s’en souvient bien) et battu l’Allemagne de Dirk en finale, il sera l’auteur d’un coup d’éclat lors de la coupe du monde 2006. Alors qu’ils se retrouvent face aux Etats-Unis en demi-finale, Spanoulis plante 22 points et offre à toute la Grèce un exploit historique face à l’ogre américain pour se qualifier en finale. Malheureusement, l’Espagne mettra fin au rêves grecs et soulèvera le trophée deux jours plus tard dans une finale à sens unique. Mais désormais, le monde du basket avait entendu le nom de Spanoulis et savait de quoi il était capable.

 

III/ L’arrivée au Panathinaïkos, le début d’une domination

 

C’est à la suite de cette intense trève internationale que Vassilis signe en 2005 au Panathinaïkos pour rejoindre ce qui se fait alors de mieux dans le pays et dans le continent. C’est là que Spanoulis découvre l’EuroLeague. Et la découverte de la plus grande comptétition européenne est pour le moins fracassante. Il finit avec près de 15pts de moyenne envoyés à chaque sortie d’Euroleague, meilleur scoreur de son équipe et sélectionné dans le deuxième meilleur 5 de la saison,… on a connu moins bien pour une première. Sur la scène nationale, il découvre la sensation de domination avec un doublé coupe-championnat de Grèce acquis sans la moindre opposition.

 

IV/ 2006 et la NBA : le grand saut dans le vide

 

En pleine pente ascendante, le Span décide faire le grand saut et de rejoindre les Rockets de Houston en NBA, qui détenait ses droits depuis sa draft en 2004. Il a alors l’occasion de côtoyer Tracy McGrady, à qui il était souvent comparé dans son pays. Simplement, sur le terrain il n’y a pas photo entre le T-Mac grec et le T-Mac original. Spanoulis ne retiendra de sa première année aux Etats-Unis que la liste des produits qui vous cire le mieux un banc de touche. Moins de 10 minutes par match lui sont accordées par le difficile Jeff Van Gundy. Tout juste 2pts de moyenne, ce n’était pas un panier qui allait remplir une soirée chez Vasilios. C’était une première tunique rouge et blanche sur ses épaules, il faut croire que cela ne lui allait pas si bien à l’époque. Après un an dans le Texas, Spanoulis est libéré par sa franchise et décide de rentrer au bercail athénien pour rebondir. Ah quand on vous dit que le basket européen n’est pas le même que le basket américain… Il termine alors son contrat avec le Pana et joue trois piges de plus pour l’équipe du trèfle en retrouvant toute la splendeur de ses standards européens. Là, il atteint les sommets et s’offre même l’Euroleague en 2009, ce qui représente pour lui le titre suprême. Tout simplement génial, il est élu MVP du Final Four et s’impose alors comme l’un des tous meilleurs joueurs de la ligue.

 

V/ Kill Bill : la naissance d’un assassin

 

A la surprise générale, Spanoulis alors devenu l’une des icônes du pays ne renouvelle pas son contrat avec le Panathinaïkos et s’en va signer en 2010 chez l’ennemi juré l’Olympiakos. Le séisme en Grèce est immense et notamment chez les fans du Pana qui crient à la trahison. Le joueur se justifie pourtant :

 

‘’Depuis le début de ma carrière je voulais jouer pour l’Olympiakos mais cela n’a pas pu se faire à l’époque et j’ai choisi ce qui était la meilleure équipe, le Panathinaïkos.’’

 

Des années après, le retraité qu’il est aujourd’hui reviendra sur ce transfert incompréhensible à ce moment-là :

 

‘’C’était le destin que je joue à l’Olympiakos, que j’en devienne le capitaine puisque Dieu m’a donné la chance d’être un leader dans un grand club avec beaucoup de fans, une grande histoire […] A l’époque, l’Olympiakos n’avait pas connu de succès depuis 15 ans. Ils étaient tombés bas en terme de titres. Un équipe avec tellement de fans, des millions derrière elle. J’ai toujours voulu aller dans un équipe comme ça’’

 

Donner à l’Olympiakos la splendeur et le palmarès qu’il mérite, tel était l’objectif que s’était donné Spanoulis et, une fois de plus, le Span savait très bien ce qu’il faisait. C’est le début d’une histoire d’amour folle entre le numéro 7 et les supporters, tellement reconnaissants qu’un tel joueur dise non au Pana pour venir s’installer dans la cité rouge et blanche. C’est aussi, évidemment, le retour du succès pour le club du Pirée qui renoue alors avec les premières places de l’Euroleague. Une aventure qui les mène jusqu’au titre suprême en 2012 après une finale mémorable où Printezis crucifie le grand CSKA Moscou à 9 dixième du buzzer (62-61). Spanoulis est élu, pour la deuxième fois, MVP du Final Four et peut se targuer d’avoir remporté l’Euroleague avec les deux clubs de la capitale athénienne. Et l’histoire ne s’arrête pas là. L’année suivante l’Olympiakos se réinvite au Final Four pour défendre son titre jusqu’au bout. En demi-finale, la bande du Span recroise la route du CSKA de notre cher Nando de Colo et l’issue ne change pas avec un Olympiakos qui file tranquillement en finale. Il faut croire que le CSKA devenait sa victime favorite. Derrière, c’est une démonstration face au Real Madrid et Spanoulis soulève sa troisième Euroleague, sa deuxième avec le club du Pirée. Nous sommes en 2013, Spanoulis est élu une nouvelle fois MVP du Final Four à l’issue d’une saison régulière dont il fut également le MVP. L’histoire devient légende.

              Car au-delà de ces victoires et de ces accomplissement, c’est l’identité de tueur qui surgit et qui définit désormais le Span. Un sang-froid imperturbable dans les fins de matchs cruciales, une sérénité implacable à mi-chemin entre la puissance  d’un Jordan et la mentalité d’un Kobe. Ce n’est d’ailleurs certainement pas sa facheuse manie de tirer la langue en shootant qui va calmer les comparaisons avec les deux monstres du basket US… Un assassin était né, un surnom lui fut donné : ‘’Kill Bill’’. Un surnom qui alimente la folie de tous les commentateurs grecs qui se sont retrouvés à commenter l’un des innombrables shoots clutchs qu’il a pu rentrer dans sa carrière. Et si ses exploits en Final Four d’Euroleague ne vous suffisent pas les finales 2016 du championnat grec vous rassasieront. Dans une série au meilleur des cinq matchs opposant son Olympiakos à l’éternel rival du Pana, il égalise à 1-1 dans la série après un buzzer beater à trois points en déséquilibre inscrit sur la tête de Nick Calathès. Le match suivant ? Spanoulis inscrit 11 pts dans les trois dernières minutes pour permettre à l’Olympiakos de l’emporter (77-72) et de mener 2-1 dans la série. Le match suivant ? Le Pana, dans leur enciente bouillante, mène bien de 2pts mais le dernier ballon est dans les mains du Span… aïe aïe aïe. Il nous fait son side-step à 3pts à moins de deux secondes du buzzer et l’Olympiakos remporte le titre (82-81). Spanoulis file dans les vestiaires lorsque le gong retentit, un petit sourire en coin, laissant les joueurs et les fans du Pana seuls à pleurer, après ce qui était le dernier match en carrière de la légende locale Diamantidis ; une dernière que Kill-Bill vient de briser. Dans les fins de matchs tendues, là où tout joueur perd ses moyens et quand le stress devient intenable, Spanoulis, lui, s’amusait. Le mec était trop à l’aise, c’est tout. Le Span s’occupait, en toutes circonstances et peu importe le match, d’avoir toujours le dernier mot.

 

VI/ Dans les livres

 

Spanoulis voulait offrir à l’Olympiakos un palmarès à la hauteur de son histoire ? c’était chose faite. Il ne manquait plus qu’à parfaire sa légende individuelle. Dans un club où il n’y a plus rien à gagner, dans un championnat où il n’a plus rien à prouver, le Span continue avec l’Olympiakos d’enquiller les titres nationaux et de monter dans les classements all-time. Il devient ainsi le meilleur marqueur de l’Euroleague, un soir de Janvier 2020, en dépassant l’espagnol Juan Carlos Navarro et ses 4 152 points inscrits. Deux ans plutôt, il avait déjà dépassé au classement des passeurs l’icône du Panathinaïkos Dimitris Diamantidis, son ancien coéquipier et désormais rival. 1 607 offrandes à la fin de sa carrière dans la grande compétition pour devenir le numéro 1 du caviar. Et même si Sergio Rodriguez et Nick Calathès ont depuis effacé sa marque, son nom reste encore inscrit tout en haut des tablettes.

 

VII/ L’héritage d’un homme et d’un joueur accompli

 

Spanoulis a ainsi durant sa carrière conquis les sommets et le cœur des fans et s’est peu à peu avancé en légende ultime de l’Euroleague et du basketball grec. Aujourd’hui, son aura se répand bien après la fin de sa carrière et ne finit plus de faire des émules partout sur le continent. Interrogé sur son idole de jeunesse par Shaquille O’Neal sur ESPN, Luka Doncic répondra en toute honnêteté : ‘’Vassilis Spanoulis, il a joué à l’Olympiakos’’ devant un Charles Barkley demandant de répéter le nom exotique qu’il n’avait pas entendu. Giannis Antetokounmpo, l’héritier du basketball grec tentera même de faire comprendre à ses coéquipers américains l’ampleur de son aîné. ‘’Vassilis Spanoulis, c’est comme Jordan, c’est comme Kobe pour nous’’. Aujourd’hui, Vassilis est père de six enfants, et  profite de sa jeune retraite pour prendre un peu de repos. Mais il est impossible d’envisager le basketball loin du Span. Voilà deux ans maintenant qu’il a pris les rênes de Peristeri, club de la banlieue athénienne qui a notmment vu exploser notre petit frenchie Sylvain Francisco dont on reconnait bien l’inspiration à chacun de ses crossovers. Avec le départ de Dimitris Itoudis à la tête de l’équipe nationale, Spanoulis vient même d’être nommé pour reprendre les commandes de la Grèce. Un nouveau défi, et une nouvelle opportunité de reconquérir avec sa nation ces sommets européens qu’il a tant connu, aussi bien avec la tunique héllénique qu’avec l’étendard athénien. Ainsi Spanoulis garde un œil sur les siens, sur ce basket grec qu’il n’a fait qu’élever et sur ces jeunes générations de basketteurs qu’il a fait tant rêvé par le passé.

 

Un mental d’acier et un talent de génie dans un corps de plombier. Vassilis Spanoulis était cette légende incontestée, qui aura tout raflé en Europe mais qui n’aura pourtant jamais su s’imposer en NBA. L’Euroleague a ses légende que l’Amérique ignore. Mais l’Europe, elle, se souviendra encore longtemps du Span et de son instinct assassin.

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