ITW CROISÉES - La parole aux Speakers : les premiers témoins de l'EuroLeague

Apr 1, 2024 - 09:44
Mar 29, 2024 - 14:46
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ITW CROISÉES - La parole aux Speakers : les premiers témoins de l'EuroLeague
crédits photo : Basket Europe/Basket News/Federico Fioravanti/Monaco-matin

À la fois acteurs et premiers témoins, les speakers donnent leur voix et leur passion à l'EuroLeague. Pierre Salzmann-Crochet de Villeurbanne, Ferxel Fourgon de Monaco, Andrius Žiurauskas de Kaunas et Federico Fioravanti de Bologne se sont livrés à nous pour nous raconter leur quotidien au plus près de la grande ligue. Témoignages.

 

 

LES MAÎTRES DE CÉRÉMONIES

 

‘’Je suis un témoin’’. Voilà comment Andrius Žiurauskas se décrit. Ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant sa voix sert d’étincelle pour embraser le public bouillant du Zalgiris Kaunas depuis presque vingt ans maintenant. ‘’De voir toute cette foule devant moi à chaque fois, c’est comme une drogue. Ce public m’inspire, il me boost. Le Zalgiris coule dans mes veines’’. A l’heure de ces lignes, la Zalgirio Arena est sur une série folle de 15 matchs consécutifs joués à guichets fermés en Euroleague. Et à chacune de ces grandes messes du basket lituanien, Andrius est là pour s’égosiller à son micro. Quelques minutes avant l’entre-d’eux, l’imposante arena se plonge dans le noir, projecteur braqué sur le centre du terrain où Andrius surgit; c’est son moment : ‘’ces sept minutes avant le match sont les plus excitantes, c’est la plus grosse partie du show. C’est là qu’on met le plus d’argent’’. Sa voix vibrante, digne des dessins animés japonais dont il s’inspire, et ses gros yeux posés sur la caméra annoncent la couleur : le public rugit autour de son leader vocal, les festivités sont lancées ! Un rituel déjanté qui a rendu célèbre l’acteur de métier, et qui lui vaut aujourd’hui d’être surnommé ‘’the mad guy from Kaunas’’.

 

 Andrius dans ses oeuvres (à partir de 3:30)

 

 

Un autre speaker d’EuroLeague partage cette joyeuse appellation, en VF cette fois-ci. Pierre Salzmann-Crochet, ‘’le speaker fou’’ de l’ASVEL, est arrivé en 2019 au micro de son équipe, repéré dans sa Normandie natale par Tony Parker lui-même. Il nous raconte ses premières impressions de la grande ligue : ‘’Quand on voit sur la fiche les noms qu’on doit annoncer et que ça commence par Spanoulis on se dit ‘ah oui quand-même !’.’’ Un étonnement qui ne l’empêche pas de réaliser l’ampleur de l’évènement : ‘’Je me considère comme un privilégié. En EuroLeague, clairement on cotoie le plus haut-niveau.’’

 

Cette EuroLeague, Ferxel Fourgon l’a vu arriver petit à petit à Monaco, lui qui a fait ses débuts au micro il y a dix ans, alors que la Roca Team était encore en Nationale 1 : ‘’On a grandi ensemble avec la Roca Team’’ nous dit-il avec sa voix si caractéristique que l’on pourrait d’ailleurs judicieusement qualifier de rocailleuse, ‘’Avoir l’EuroLeague sur notre parquet c’est énorme. Il y a quelques années on en rêvait. Aujourd’hui, on est passé du rêve à la réalité. On peut se mesurer aux meilleures équipes et même les battre. On est encore émerveillé de ce qu’on a sous les yeux, des noms qu’on voit défiler lorsqu’on doit faire la présentation des joueurs. C’est génial d’être à ce niveau.’’

 

Un sentiment d’émerveillement que partage son confrère de Bologne, Federico Fioravanti, qui est lui-aussi passé d’EuroCup à EuroLeague depuis son arrivée à la Virtus en 2014 : ‘’Le moment que je préfère, c’est quand l’hymne de l’EuroLeague retentit avant le match, avec les deux cinq-majeurs alignés devant nous. A chaque fois, c’est un moment incroyable que je savoure à fond’’.

 

 l'énergie débordante de Pierre Salzmann (crédits photo : Alexia Leduc)

 

 

 

 

LA PASSION PLUS QUE TOUT

 

De Bologne à Kaunas, de Monaco à Décines, ces maîtres de cérémonies se donnent ainsi soir après soir. C’est leur voix qui fait entrer les joueurs dans l’arène, c’est leur voix qui accompagne le fil du match au grès des faits de jeu, mais surtout, c’est leur voix qui parvient à enflammer un public tout entier pour soutenir le club chéri pendant quarante minutes. Une tâche noble, qui serait impossible sans la passion démesurée de ces quatre speakers. ‘’Je suis né ici, je suis Monégasque et j’ai le cœur en rouge et blanc. Je ne pourrais pas faire speaker pour une autre équipe.’’ nous raconte Ferxel, décrivant son attachement patriotique envers sa Roca Team. Federico, lui, est tombé dans la marmite quand il était petit : ‘’C’est mon père qui m’a transmis cet amour pour la Virtus quand j’étais enfant et j’étais abonné bien avant d’être speaker !’’. En bon Lituanien, la question ne se posait pas vraiment pour Andrius : ‘’A Kaunas, c’est inhérent à la culture. L’équipe est un symbole de notre liberté. C’est notre identité, c’est plus qu’un sport. Quand j’étais à l’école primaire, les joueurs venaient nous voir’’.

 

Un micro dans la main, ces chanceux sont donc passés de fan à membre de leur club de cœur, comme nous le décrit le ‘fou’ de Kaunas ‘’C’est un honneur de faire partie de mon équipe’’. Une fierté partagée par Ferxel Fourgon ’’je me sens faire partie de la famille Roca Team, je mets mon talent au service de mon pays’’.

 

Des tribunes aux parquets, la vie de fan de Federico a ainsi basculé dans une autre dimension : ‘’J'aime toujours entretenir une relation professionnelle avec la plupart des entraîneurs et joueurs. Mais avec le temps, vous créez une amitié avec certains d'entre eux. On échange, on a de belles discussions. Cela m'arrive même qu’ils m'appellent pour travailler dans leurs camps d’été’’. Une relation privilégiée pour Federico, qui d’ailleurs se tient toujours à la sortie des vestiaires pour checker les joueurs lorsqu’ils rentrent sur le parquet pour s’échauffer.   

 

 Federico au plus près des joueurs (crédits : Virtus segafredo Bologna)

 

 

 

Chacun nous raconte son quotidien au plus proche des joueurs : ‘’Quand je vois les gars de l’ASVEL je reste admiratif. J’étais déjà admiratif de l’ASVEL quand j’étais enfant, surtout d’Amara Sy. Aujourd’hui, je garde ce côté fan parce que c’est le plus important. Mon carburant, c’est ma passion’’. Pierre Salzmann nous évoque ainsi avec humour les liens qu’il a pu tisser : ‘’Avec Joffrey Lauvergne, on s’entend bien parce que lui aussi il n’est pas tout seul dans sa tête. Avec Mbaye Ndiaye et Youssoupha Fall, c’est la connexion sénégalaise donc c’est très sympa ! Lighty et Kahudi sont adorables aussi.’’. Et avec les stars ? ‘’Nando, il m’intimide, je n’ose pas trop le déranger. En vrai, il est très gentil’’ nous lâche-t-il avec le sourire.

 

              Ferxel Fourgon aussi a l’occasion de côtoyer quelques stars… et comment ! Le 7 mars dernier, alors que Mike James vient tout juste de devenir le meilleur marqueur de l’EuroLeague, Ferxel prend son courage à deux mains et demande à Mike un petit mot pour le public, ce que la star américaine refusera. Une séquence qui a quelque peu amusé les internautes. Pour vous, EuroLeague France a pris des nouvelles de Ferxel après ce vent : ‘’(rires) Juste à la sortie des vestiaires après le match, il est venu me voir pour me taper dans la main et s’expliquer. Il est tout gentil, c’est simplement son tempérament. Mike est toujours resté très professionnel et il répète aux gens qu’il me trouve cool, alors si même Mike James me trouve cool !’’. En tout cas, il en faut bien plus pour ternir le souvenir du speaker monégasque : ‘’J’ai trouvé génial de la part de l’EuroLeague d’arrêter le match et d’organiser un protocole. Pendant quelques minutes, il n’y avait pas d’opposition : on fêtait ensemble un homme qui avait signé un record extraordinaire. C’était un moment un peu hors du temps qui restera gravé comme un souvenir unique’’

 

 Pierre Salzmann lors de l'inauguration de la LDLC Arena, partageant le micro avec Charlee Moss (crédits photo : Lyon femmes)

 

 

 

 

LES PREMIERS TÉMOINS

 

Car c’est cela aussi la vie de speaker, c’est être en première ligne pour assister au moment d’histoire que connait son club. Andrius Žiurauskas nous partage ce qui était l’un de ses premiers moments forts dans sa carrière : ‘’Je me rappelerai toute ma vie du jour où Arvydas Sabonis a joué son dernier match (en 2005 avec le Zalgiris, ndlr). Au moment où il a quitté le parquet et qu’il a salué la foule, tout le monde pleurait, moi le premier.’’. Mais depuis la légende Sabonis, les sacres ont continué de défiler pour le Zalgiris : ‘’à chaque titre national, il y a la parade de Vilnius à Kaunas. Il y a des miliers de gens qui viennent pour accueillir les joueurs, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ils sont heureux. Ce sont de très beaux moments aussi.’’

 

Federico Fioravanti nous évoque lui-aussi avec nostalgie ses souvenirs : ‘’Evidemment je pense au premier derby que j’ai animé, face au Fortitudo en 2017. Mais je n’oublierai jamais le titre en EuroCup en 2022’’.

 

la tension de Federico à son micro (crédits photo : Federico Fioravanti) 

 

 

 

 

En ce qui concerne nos clubs français, de belles pages aussi se sont écrites ces derniers mois, à commencer par l’ouverture de la magnifique LDLC Arena. ‘’On est clairement passé dans une autre dimension’’ nous décrit Pierre, ‘’sans vantardise aucune, on s’est dit qu’on allait participer à l’histoire d’une salle. Les premiers à parler dans un micro, ici, c’est nous ! Etre là à motiver 11 000 personnes, c’était impressionnant’’.

 

Bien que la salle Gaston-Médecin puisse paraître bien étroite en comparaison de la LDLC Arena, l’histoire qu’elle accueillit n’en fut pas moins grande, en témoigne ce match 5 d’anthologie contre le Maccabi Tel-Aviv en mai dernier, qui a propulsé la Roca Team au Final Four. ‘’On aurait gagné la Coupe du Monde, ça aurait été pareil’’ nous illustre avec euphorie Ferxel Fourgon avant de retomber dans l’émotion : ‘’C’était hallucinant, je n’y croyais pas. Je regardais le score sans rien comprendre. La cohésion entre l’ensemble de la salle et les joueurs, avec le Prince qui était présent, c’était incroyable. C’est le moment le plus fort qu’on ait vécu.’’. Et ce qu’on oublie souvent, c’est que le speaker aussi doit faire son match lors de ces grands évènements. En l’occurrence, c’était les supporters brûlants du Maccabi que Ferxel devait affronter : ‘’Pour ce dernier match, j’y suis allé en guerrier. Je m’égosillais, j’ai même commencé à lancer des chants sur les airs des chants israëliens pour les couvrir. Quand je suis sorti, les supporters du Maccabi me faisaient des signes d’égorgement mais on avait gagné la bataille !’’

 

 l'euphorie de Ferxel Fourgon au buzzer du match 5 face au Maccabi (crédits photo : Nice-matin)

 

 

 

 

Malheureusement, la vie d’un club n’est pas faite que de victoires et c’est à nos chers speakers que revient la lourde tâche d’annoncer la défaite des siens à la fin du match, se devant de rester le plus professionnel possible. Un vrai défi quand le cœur passionné de ces hommes souffre au fond d’eux : ‘’Dans ce cas-là, c’est sûr qu’il faut que je me retienne. On aurait envie de tout casser, de contester certaines décisions abritrales, mais on garde son calme et on essaie de faire ça le plus respectueusement possible.’’ nous avance Pierre Salzmann, qui ne manque jamais de féliciter l’adversaire et de remercier les supporters qui ont fait le déplacement, et qui plus est, dans leur langue maternelle ! ‘’C’est le côté bonne éduc’ de ma mère, je ne peux pas faire sans’’. De son côté, Ferxel préfère ironiser sur la situation : ‘’j’ai de la chance, ça n’arrive pas très souvent (rires). La plupart du temps c’estvictoire de la Roca Team’ que je dois dire’’ avant de se reprendre : ‘’non, dans ces cas-là, j’avale ma salive et je fais ce que je dois faire. On reste en maitrise.’’

 

              Un professionnalisme avec lequel tout le monde ne s’embête pas ! Quand le Zalgiris est décroché, ce n’est plus la peine de compter sur Andrius : ‘’parfois, ça fait vraiment mal de regarder le Zalgiris perdre. Donc j’arrête de parler, je ne regarde même plus le match et je commence à travailler autre chose sur mon ordi’’. Une réaction que le public de Kaunas ne comprend pas toujours : ‘’Les gens sont énervés contre moi ! Ils me disent : ‘Andrius tu ne respectes pas notre équipe !’ Bien sûr que je respecte mon équipe, je l’aime ! Et c’est parce que je l’aime que je ne la regarde pas perdre’’.

 

              Il faut dire que nos speakers ont vu passer de sacrés équipes et de sacrés joueurs au fil des réceptions. L’occasion pour eux de nous livrer quelques anecdotes croustillantes : ‘’A chaque fois qu’on reçoit le Real Madrid, les gens m’envoient des messages sur Rudy Fernandez du genre ‘fais lui un croche-pied’ ou quelque chose dans le style‘’ nous lâche Pierre Salzmann. Andrius, lui, ne porte pas d’attention particulière pour l’accueil des adversaires : ‘’pour être honnête, certains joueurs, je ne sais même pas comment on prononce leur nom au moment où je dois les présenter.’’ Le micro d’Andrius et sa présentation glaciale est ainsi la première épreuve à affronter lorsqu’on débarque à Kaunas dans la peau d’un ennemi !

 

 Andrius dans son jardin (crédits photo : EuroLeague)

 

 

 

L’EUROLEAGUE SOUS LES YEUX

 

Avant de les quitter, nous avons demandé à nos chers speakers de nous livrer leur regard sur la suite de la compétition. Du haut de sa longue expérience, Andrius nous a ainsi prédit un grand avenir pour la grande ligue : ‘’Depuis presque vingt ans que je fais ce métier, je remarque que l’EuroLeague change, et dans le bon sens. Elle est de plus en plus spectaculaire, il y a de plus en plus de show. L’EuroLeague devient plus que du simple basketball’’.

 

Les autres se sont exprimés pour leur équipe de cœur, à commencer par Pierre dont la passion pour l’ASVEL ne faiblit jamais : ‘’On peut apprendre de cette saison. Les personnes qui sont là ne souhaitent qu’une chose, c’est de faire gagner l’ASVEL. Je suis de nature optimiste’’. Tandis que Federico se réjouit de la venue de Banchi : ‘’J’étais content lorsque Banchi est arrivé à la Virtus et les résultats parlent d’eux-mêmes. D’ailleurs, nous sommes encore dans les places pour accéder à la post-saison !’’

 

Quant à Ferxel, l’espoir de voir la Roca Team soulever le trophée est bien là : ‘’Je pense que cette année la porte est ouverte !’’

 

 

Un immense merci à Andrius Žiurauskas, Federico Fioravanti, Pierre Salzmann-Crochet et Ferxel Fourgon pour avoir accepter de témoigner ! On ne peut que vous recommander de visiter leur salle, le basketball y est entre de bonnes mains !

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